samedi 17 septembre 2011

"Le sexe et l'effroi" de Pascal Quignard, 2

"Les images-actions font que les hommes entrent dans la mémoire des hommes en se condensant en éthos (en devenant Dieu)."
- l'éthos étant l'élément "caractère" selon Aristote dans la tragédie grecque, encadré par les éléments "récit" (muthos) et "fin" (télos) -

J'avoue que cette phrase me fit immédiatement penser au principe de la pornographie filmée, l'image-action étant le principal biais de transmission, au point de sur-développer le marché du gonzo au détriment de tout scénario. Revient la fascination de l'acte, et du sexe masculin, comme dans les farces atellanes où "les hommes se déguisaient en bouc attachant sur le devant de leur ventre un fascinum (un godemiché, un olisbos)".
"L'indécence rituelle caractérise Rome : c'est le ludibrium."
Cependant, l'indécence de la pornographie n'est pas (plus ?) ritualisée - ni esthétisée pour une sorte d'ataraxie évoquée par l'auteur - mais se voue à la consommation à l'excès, négligemment regardée entre deux clics d'ordinateur. Le sexe peut certes être tout à fait banal, mais nous avons la capacité à le rendre excessivement jouissif et physiquement et intellectuellement, donnant un sens plus profond - à chacun le sien - de l'acte. Le banaliser dans ce type de consommation, si l'image-action est celle de la mémoire qui imprègne et fascine comme une déification, n'est-il pas faire croire à chacun que l'éthos est chose commune à tous ? Que nous sommes tous des dieux ? N'est-ce pas fausser le trajet de réflexion et de prise de conscience de l'Homme, trajet qui nécessite questionnement et construction constants, et non pas donné ? Ou bien que l'éthos devient le vulgaire, le servum pecus ? Et pourtant, il ne s'agit pas de réserver l'épanouissement sexuel à un certain nombre d'initiés, mais de le penser comme acte noble.
Quoique... Le plaisir peut se trouver aussi dans l'abject. Doit-on alors l'accepter et le contrôler, ou bien le rejeter et nier une part de nous-mêmes, sous prétexte de civilisation ? Cet abject en nous, pourquoi existe-t-il ? Qu'en faire ?
Au passage, je reviens sur mes propos du dernier post, où j'écrivais que l'esthétisme pouvait éventuellement se trouver dans le circuit soft de la pornographie. Or, après relecture, c'est exclure tout l'art de certaines pratiques, ne serait-ce que le bondage.

La pornographie immortalise l'acte sexuel et les sexes mais leur fait peut-être perdre tout leur sens, au-delà du ressenti physique. Elle devient objet de fascination - ceci n'excluant pas la possibilité de dégoût - et en même temps de banalisation qui intègre l'acte sexuel à notre vie comme une démarche incontournable et purement pratique, celui de satisfaire un désir immédiat. La pornographie ne peut-elle pas être plus qu'un objet de consommation ? Devient-elle alors érotisme ? Il me faudrait faire quelques recherches sur des films pornographiques avec une démarche de création et de pensée du réalisateur... Comme toujours, les commentaires ou pistes sur ce sujet seront les bienvenus...

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